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Noriega : un dirigeant ayant marqué l'histoire du Panama

Noriega est impliqué dans le plus grand déploiement de l'armée US-américaine dans les Caraïbes. Retour en détails sur cet événement marquant du Panama.

En bref : Le Panama a traversé une dictature qui ont lourdement marqué le pays. Manuel Antonio Noriega, général panaméen d’abord formé et soutenu par les Etats-Unis, est finalement arrêté par ces derniers suite à leur massive intervention militaire en décembre 1989. Les années noires du dictateur Noriega ont laissé place à la démocratie à laquelle les Panaméens se sont attachés aujourd’hui.


L’histoire du Panama aura été marquée par un événement majeur au cours du XXe siècle, qui restera longtemps dans les mémoires de la population panaméenne. Des traces historiques laissées par la personnalité controversée de Manuel Antonio Noriega et la plus grande intervention US-américaine dans les Caraïbes provoquée par ce dernier. 

Retour sur la chute de cet ex-dictateur aussi appelé « tête d’ananas », mort en 2017, dont vous pourrez retracer l’histoire dans les rues de Panama et le quartier de Chorrillo grâce à une visite guidée que nous vous conseillerons en briefing Chez Marc, le lendemain de votre arrivée à Panama City.


Pourquoi l'affaire Noriega nous intéresse-t-elle tant ?


Vous avez sûrement déjà entendu parler de cette figure panaméenne ayant fait de la prison en France et contre qui sont retenus de nombreux chefs d’inculpation. L’affaire du général Noriega représentera même l’un des échecs les plus graves de la politique étrangère des Etats-Unis. Explications.

Le récit d'un militaire devenu dirigeant du Panama…


Manuel Antonio Noriega est un militaire panaméen né en 1934 dans un quartier pauvre de Panama City. Dès les années 1960, il fait carrière dans l’armée. Repéré, il est recruté par la CIA avant de devenir chef des forces armées panaméennes à l’âge de 50 ans.

En étant ainsi nommé à la tête de l’armée en 1983, il devient une personnalité très connue des Panaméens prenant la suite d'un autre personnage important le Général Torrijos. Parmi les faits marquants, il a entre autres permis aux Etats-Unis d’installer des postes d’écoute au Panama et d'entretenir des liens avec des cartels en Colombie. A partir de cette date, il exerce de fait le pouvoir dans le pays sans pour autant détenir le titre de « chef de l’Etat ». 

Noriega demeure une figure emblématique du Panama, bénéficiant du soutien des Etats-Unis et d’autres pays dont l’Etat français. Il est en effet décoré de la Légion d’honneur sous la présidence de François Mitterrand.

Mais la situation est plus complexe qu’elle ne le paraît !

En parallèle de ses fonctions de dirigeant (ou disons dictateur) du pays, il est impliqué dans des cas de corruption et de trafic de drogue lié au cartel de Medellín. Les Etats-Unis auraient fermé les yeux sur cette affaire, allant jusqu’à saluer les efforts des autorités panaméennes dans la lutte contre le trafic de drogue !

C’est d’ailleurs pour cela que l’affaire du général Noriega figure comme l’un des échecs les plus importants de la politique étrangère US-américaine. À ce titre, il sera poursuivi par un tribunal de Floride pour trafic de drogue et racket. Il aurait d’ailleurs amassé des sommes colossales grâce au blanchiment d’argent.

D’autres accusations sont formulées à l’égard de ce complice des « narcos » colombiens dont le fait d’avoir transmis des informations confidentielles à Cuba et vendu des armes à des guérillas. Soit, autant de soupçons envers Noriega qui n’en finissent plus.

...ayant provoqué l'invasion du Panama par les Etats-Unis


Mai 1989 est la date à retenir, car elle représente un tournant dans l’affaire Noriega. Les relations entre les Etats-Unis et le Panama se dégradent. 

C’est le 15 décembre 1989 que Noriega s’autoproclame Président de la République et « leader maximum » après avoir déjoué plusieurs coups d’état et annulé les élections. Il déclare ensuite le Panama en « état de guerre » envers le pays d’Amérique du Nord. La goutte qui a visiblement fait déborder le vase…

Le 20 décembre 1989, l’invasion du Panama par les Etats-Unis est ordonnée par le président US-américain George H. W. Bush dans le cadre de l’opération Just Cause

Cette invasion est motivée par le rôle du Panama dans le trafic international de drogue et la possible violation de neutralité du Canal de Panama

Parmi les raisons annoncées par le président Bush pour justifier cette intervention militaire des USA, on retrouve la défense de la démocratie et des droits de l’homme au Panama mais surtout cette lutte contre le trafic de drogue, le pays étant devenu un pôle de blanchiment d’argent et de la drogue ainsi qu’un point de transit pour les Etats-Unis et l’Europe.

Il semblerait que des incidents visant des Etasuniens, quelques jours plus tôt, auraient été commis par les forces armées panaméennes, ce qui poussa George Bush à déclarer auprès de ses conseillers : « Allons-y, y en a marre ».

C’est donc le début d’une mission commando de grande envergure qui vise le général Noriega en personne. 

La Maison-Blanche opte pour une opération massive qui s’avère être le plus grand déploiement de l’armée US-américaine dans la région des Caraïbes. Les troupes US-américaines envahissent alors la ville de Panama City de chars blindés à la recherche de l’homme d’Etat panaméen, ciblant les bases des forces armées, les ponts, les aéroports et les quartiers de toute la ville.

Une ville qui sombre dans le chaos total avec une traque qui laissera des pillages sur son chemin. Les bombardements se poursuivent, le territoire est presque sous contrôle mais il ne reste plus qu’à trouver Noriega. 

Quelle est l’issue de cette chasse à l’homme ? 


Tout début janvier 1990, quelques jours après le début de l’invasion, Noriega, retranché dans le quartier El Chorrillo de Panama, puis dans l'Ambassade du Vatican, finit par se rendre aux forces US-américaines. Pour le faire sortir de sa tanière sans créer une crise diplomatique, l'armée étasunienne a opté pour la diffusion  à fond de musiques de type Heavy Métal et Rock dont tout le quartier a pu profiter. Cette action associée à la collaboration du nonce apostolique a permis la reddition de Noriega.  Il est immédiatement extradé vers les Etats-Unis, une victoire pour ces derniers.

 Quel bilan humain ?

Finalement, cette opération militaire dans les eaux caribéennes aura coûté la vie à près de 500 soldats panaméens (d’autres sources indiquent le double) contre une vingtaine côté US. Des pertes nord-américaines très limitées dont se réjouit le président des Etats-Unis.

Mais cette traque de Noriega marque particulièrement les esprits par la mort de plus de 300 civils panaméens (chiffre encore aujourd’hui critiqué, on parle même de 4 000 morts) et l’exode d’au moins 20 000 personnes.

Noriega, l’extradé perpétuel


Personnage exceptionnel, cet ancien homme d’Etat panaméen a d’abord été condamné à 40 ans de prison ferme. Une peine ramenée à 30 ans puis 17 ans pour bonne conduite. D’abord détenu en Floride aux Etats-Unis pour trafic de drogue et blanchiment, il ne retrouvera pas la liberté aussitôt puisque la France demande à ce qu’il soit extradé sur le Vieux Continent.

Extradition qu’elle obtient en 2010. Accusé de blanchiment d’argent lors d’un nouveau procès, l’ancien dictateur du Panama continue son emprisonnement à la maison d’arrêt de la Santé à Paris pour une durée de 7 ans.

Il repartira finalement en Amérique latine, un an plus tard, où il sera emprisonné au Panama pour violation des droits de l’homme et assassinat d’un opposant politique.

En 2017, au cours de sa condamnation, les autorités panaméennes autorisent son hospitalisation à laquelle il succombera. Il meurt ainsi incarcéré dans son pays le 29 mai 2017.


Sur les traces du dirigeant panaméen aujourd'hui


30 ans après, en décembre 2019, le quartier El Chorrillo situé à Panama City se souvient encore de l’invasion des Etats-Unis qui a marqué les Panaméens et demeure une plaie ouverte pour la population.

Aujourd’hui, on observe l’héritage laissé par cette tragédie noire avec des graffitis et des fresques qui décorent les rues de ce quartier, témoin de la violence opérée par la traque US-américaine du général Noriega.


Il est aujourd’hui possible d’arpenter les rues du Chorrillo, foyer des incendies provoqués par les attaques militaires aérienne et terrestre, pour se rendre compte de cet « événement très traumatisant », comme le souligne l’historien Victor Ortíz. C’est effectivement au cœur de ce quartier populaire de la capitale, bastion du régime militaire de Noriega, qu’ont été lâchées des bombes détruisant tout sur leur passage.

Bon Plan du Réseau Solidaire ToutPanama
Sillonnez les rues du quartier El Chorrillo en compagnie d’un guide local que l’on vous recommandera au cours du traditionnel briefing Chez Marc. Vous découvrirez alors les fresques et graffitis qui retracent l’histoire de ce quartier populaire : un tour très intéressant que nous vous conseillons pour mieux comprendre cet événement historique.

On parle aujourd’hui d’un traumatisme réel pour les Panaméens qui n’ont obtenu aucune réparation, tant pour les familles des victimes que pour les dommages causés aux biens de l’Etat. Des habitants qui s’interrogent toujours sur le lieu où ont été enterrés les corps de nombreux Panaméens.


Le quartier du Chorrillo, à Panama City, est aujourd’hui une zone très surveillée où il convient de faire preuve de prudence lorsque l’on s’y promène. D’où l’importance d’être accompagné d’un guide qui connaît bien ces lieux débordant d’histoire.